- SCULPTURE - Matériaux et techniques
- SCULPTURE - Matériaux et techniquesDresser un tableau exhaustif des matières premières utilisées par les sculpteurs est presque impossible. Des gemmes les plus précieuses au mélange de boue et de cendre humaine dont sont constituées certaines figures magiques de l’Asie centrale, il est peu de matériaux qui n’aient pu, à un moment ou à un autre de l’histoire, servir de support à l’art du sculpteur entendu dans son sens le plus large.Cette diversité est inhérente à la nature même de la sculpture qui découle des possibilités offertes à l’imagination humaine d’évoluer dans un espace tridimensionnel. Toute matière première susceptible d’être modifiée dans sa forme par l’action de l’homme est donc sculpture en puissance. Mais cette modification formelle ne peut être obtenue qu’à l’aide de techniques, simples dans leur principe, plus complexes dans leurs effets, mais qui exigent en général un «tour de main», voire dans certains cas une certaine force physique. En cela le sculpteur est plus proche des divers corps de métier de l’artisanat d’art que du peintre. Le rôle joué par les techniciens purs, fondeurs ou praticiens du marbre par exemple, est d’une importance beaucoup plus grande que celui dévolu aux aides dont un peintre peut éventuellement s’entourer. La diversité des matériaux et des techniques favorise ainsi une division du travail parfois très poussée. Dans quelques cas limites, il est très difficile de nommer l’auteur d’une sculpture donnée. Le procès intenté par Richard Guino contre les héritiers de Renoir n’illustre qu’un des aspects de ce problème (celui où la «main créatrice» d’un individu obéit à l’«esprit concepteur» d’un autre individu). Plus classique et plus fréquente est l’ambiguïté du rapport entre sculpteur et fondeur. Un historien d’art doit-il considérer comme authentiques les fontes de Carpeaux ou de Rodin exécutées plusieurs années après la mort de ces artistes?En fait, le sculpteur dispose d’une très grande liberté, car l’éventail des techniques et des matériaux qui s’offrent à lui est incontestablement plus ouvert que celui dont dispose le peintre. Mais chaque option est pour lui contraignante: matériaux et techniques imposent au sculpteur une certaine démarche. Aussi la sculpture ne porte-t-elle jamais aussi profondément que la peinture la marque de l’individu. Ce n’est pas au niveau technique que la personnalité de l’artiste apparaît. Et pour qui examine une sculpture, il est bon de savoir distinguer et reconnaître le «truc d’atelier» de ce qui serait l’équivalent de la «touche» picturale. Avant toute tentative de classification des matériaux propres à être sculptés, deux notions essentielles, quoique contradictoires en apparence, doivent être dégagées: d’une part, le choix d’un matériau implique pour le sculpteur un certain nombre de servitudes et de facilités dont la méconnaissance ne pourrait que fausser le jugement porté sur l’œuvre achevée; d’autre part, une même forme plastique créée par un sculpteur peut être traduite dans des matériaux extrêmement divers.Il faut enfin ajouter que des matériaux hétérogènes dont le traitement technique est parfois fondamentalement différent sont associables dans une même sculpture.1. Les matériauxClassificationPlusieurs classifications des matériaux qu’utilise le sculpteur peuvent être envisagées.Il serait possible de faire une première répartition en se fondant sur leur origine soit minérale (toutes les pierres, l’argile, le plâtre et leurs dérivés, mais aussi les métaux), soit organique (bois et dérivés, cire, ivoire et os), soit synthétique. Mais ce classement, tout satisfaisant pour l’esprit qu’il puisse paraître, ne correspond à rien de concret. Les critères de distinction entre les divers matériaux doivent être cherchés en réalité de façon immédiate dans les moyens dont dispose le sculpteur pour les travailler et de façon plus profonde dans le rapport intime qui existe entre la matière subjective d’une sculpture et sa fonction, fonction pratique et fonction sociale n’étant que deux aspects d’une même réalité. Compte tenu du fait qu’une même matière est parfois travaillée par des moyens différents, il paraît donc possible de proposer le classement suivant:– matériaux se prêtant au modelage (cire, argile, plastiline, carton-pâte, plâtre et stuc, staff et ciment);– matériaux se prêtant au moulage (ce sont pratiquement les mêmes que pour le modelage, plus le verre et les matières synthétiques);– matériaux se prêtant à la taille (pierre, bois et autre matériaux organiques assimilables).On mettra enfin dans une catégorie à part tous les métaux, dont l’utilisation implique des traitements variés. Si la technique de la fonte s’apparente par bien des aspects à celle du moulage, d’autres procédés appartiennent exclusivement aux techniques de la métallurgie. C’est dans la catégorie des métaux que l’on peut ranger la majeure partie des éléments préfabriqués utilisés dans le ready-made ou les compressions.La distinction traditionnellement faite entre les matériaux dans lesquels sont sculptées des œuvres dites à tort «originales» (c’est-à-dire ceux qui se modèlent ou se taillent) et ceux qui permettent la production en nombre d’exemplaires identiques d’une même sculpture à l’aide du moulage ou de la fonte doit être considérablement nuancée. En effet, l’application des techniques du modelage et de la taille à des matériaux traités le plus souvent par moulage, comme le ciment, permet la création d’œuvres à caractère d’unicum , alors que les perfectionnements successifs du pantographe au cours du XIXe siècle ont permis la production en série de sculptures en marbre.On peut aussi proposer un classement hiérarchique des matériaux en fonction de l’attrait qu’ils ont exercé sur les sculpteurs et leur clientèle selon les époques. Ce classement permet de constater de curieuses variations. Si le marbre semble avoir toujours été prisé au plus haut degré, le bronze, matière noble par excellence jusqu’au début du XIXe siècle, perd un peu de son prestige avec le perfectionnement des techniques et l’apparition de succédanés moins coûteux (bronze d’aluminium), tandis que le fer, longtemps réservé à quelques usages marginaux (girouettes, jacquemarts), prend à partir de la révolution industrielle une importance sans cesse accrue. L’albâtre, très recherché lorsqu’il est en bloc de grande dimension, fait l’objet d’une production quasi industrielle et bon marché sous forme de petits bas-reliefs ou de statuettes (albâtres de Nottingham aux XIVe et XVe siècles, de Lagny au XVIe siècle). Le bois et la terre cuite ont été longtemps considérés comme des matériaux de remplacement qui, le plus souvent, avaient besoin des secours de la polychromie, de la dorure ou, plus rarement, de l’argenture pour tenir lieu des œuvres en matière plus noble (marbre, métal, voire peinture dans le cas des terres cuites émaillées de la Renaissance italienne) qu’on aurait souhaité pouvoir mettre à leur place. Par contre, avec le développement de l’art du buste aux XVIIe et XVIIIe siècles, on apprécia davantage les terres cuites modelées qui sont actuellement plus recherchées que les marbres correspondants. À certaines époques, un matériau semble d’autant plus apprécié qu’il est rare: ainsi la sculpture de l’ivoire tient-elle une place éminente dans l’art du Moyen Âge jusqu’au XIVe siècle, époque à laquelle les importations deviennent plus abondantes et où l’on voit le travail de l’ivoire se ranger définitivement parmi les formes mineures de la sculpture. On peut noter aussi l’importance locale de certains matériaux qui ont profondément marqué le style des ateliers qui les utilisaient: ainsi les pierres exceptionnellement dures (diorite, granit, syénites) des carrières égyptiennes, le grès et la mollasse des provinces rhénanes, le kersanton de Bretagne ou le calcaire carbonifère de Tournai. Quant à l’association de matières diverses, elle semble avoir pour but de donner à une sculpture un caractère plus luxueux, soit par la réunion de matières également précieuses (statues chryséléphantines; marbres de couleurs et marbre blanc ou bronze), soit par l’insertion de quelques éléments en matériau noble (statues acrolithes).Matériaux le plus fréquemment utilisésSi l’on se fonde enfin sur une sorte de statistique, nécessairement approximative dans l’état actuel de nos connaissances, de la fréquence des matériaux employés, on peut établir une liste de sept noms essentiels pour l’étude de la sculpture, ancienne principalement.La pierre est de loin le matériau le plus employé étant donné son importance pour la sculpture décorative ou monumentale. Les pierres calcaires, de travail plus facile, sont les plus utilisées; les calcaires durs à grain fin (pierre de liais) sont les plus recherchés. Chimiquement proches du calcaire, les marbres sont des roches dures cristallisées. Les marbres blancs à structure homogène (type Carrare) offrent au sculpteur une facilité de taille et des possibilités de polissage qui ont fait de ce matériau, pendant des siècles, le matériau de prédilection du sculpteur. Aussi la recherche des meilleures carrières a-t-elle été un souci constant des sculpteurs ou de leurs employeurs. Il faut noter que de la Renaissance au XIXe siècle les sculpteurs occidentaux ont marqué une certaine répugnance à tailler des figures entières dans des pierres colorées (marbres ou grès), à l’exception des pierres dures considérées comme semi-précieuses (le porphyre par exemple). Cette attitude ne se retrouve ni dans l’Antiquité méditerranéenne non classique, ni au Moyen Âge, ni hors d’Europe.L’argile ou terre glaise est le matériau le plus facile à travailler, le plus facile aussi à trouver et à extraire de son gisement. Utilisée dès la préhistoire pour exécuter des sculptures d’assez grande dimension, l’argile se prête à tout: on peut modifier sa plasticité, sa couleur et même sa structure par addition de brique pilée (terre chamotée). Mais, crue ou cuite, l’argile reste fragile et pesante. Séchée crue, elle peut être humectée à nouveau et réutilisée.La cire se travaille facilement; les sculpteurs utilisent un mélange de cire d’abeille, de poix, de matières grasses et de térébenthine (essence ou cellophane). Assez onéreuse, elle est rarement employée pour des sculptures de grande dimension (sauf dans la technique de la fonte à cire perdue), mais peut être aisément récupérée et réutilisée.Le bois fut très employé dès la préhistoire; il est considéré dans les pays pauvres en pierre comme le matériau usuel du sculpteur. Toutes les essences ne sont cependant pas également favorables à la taille. Le chêne, résistant, est très utilisé, mais on lui préfère parfois la finesse de certains fruitiers (poirier, noyer); au hêtre, trop sensible aux attaques des vers, on préfère le tilleul ou même le châtaignier. En dépit de leurs qualités, certains bois sont rarement utilisés par les sculpteurs à cause de leur rareté (alizier, sycomore, if, cèdre) ou parce qu’ils ne permettent que d’exécuter des objets de petite dimension (olivier, buis, houx). Parmi les bois exotiques, à côté du fromager et du bois de fer (gaiac), l’un très tendre, l’autre très dur, et surtout utilisés localement, il faut citer l’ébène, le palissandre et l’acajou; ce dernier fut importé et utilisé en Europe dès le XVIe siècle.On regroupe sous le même terme d’ivoire la substance osseuse que l’on tire aussi bien des défenses d’éléphant que des dents d’hippopotame ou des canines de morse. Ce matériau précieux peut être travaillé longtemps après avoir été recueilli sur l’animal mort ou vivant.Tiré par cuisson du gypse (ou pierre à plâtre) et délayé dans l’eau, le plâtre est un matériau peu coûteux, apte à de nombreuses utilisations et dont le poids est relativement réduit car, en général, les sculptures en plâtre sont creuses. En revanche il est fragile, souvent peu plaisant d’aspect, et il vieillit mal. Ses qualités et ses défauts expliquent pourquoi les œuvres en plâtre conservées sont proportionnellement peu nombreuses. Le plâtre mélangé à la poussière de marbre et lié à la colle donne le stuc qui, lui, est susceptible de recevoir un beau poli. Quant au staff, inventé vers 1848 par Alexandre de Sachy, il consiste en linges collés recouverts de plâtre fin et augmente la légèreté de l’œuvre.Divers alliages, de compositions assez différentes, sont qualifiés usuellement de bronze . Tous contiennent du cuivre et de l’étain, mais en proportion variable, ce qui influe sur leur couleur; les plus riches en cuivre (plus de 95 p. 100) tirent au rouge; au-dessous de 85 p. 100, ils deviennent d’un jaune clair. Mais certains bronzes contiennent aussi du plomb et de l’étain. En fait, jusqu’au XIXe siècle, les recettes des fondeurs gardent un caractère empirique très marqué, et la datation d’un bronze d’après une simple analyse chimique est imprudente, sinon impossible.Pour terminer l’étude des matériaux, on pourrait aussi tenter de dresser un tableau de leur utilisation. Certains sont aptes à tous les usages, comme le bronze qui sert à l’exécution d’un bibelot aussi bien qu’à une composition colossale placée à l’extérieur. Il partage avec le marbre (et dans une moindre mesure les autres matériaux pierreux) le privilège d’être associé à toute entreprise qui se veut durable, voire éternelle, et aussi à la notion de sculpture de plein air. L’argile, la cire et le plâtre évoquent au contraire des créations éphémères: placés à l’air libre, ils ne sauraient être intégrés que dans le décor passager d’une fête, et ce n’est qu’au sein des collections publiques et privées qu’ils trouvent une protection efficace. Mais, sous forme de terre cuite, si elle demeure à l’abri des coups, l’argile rivalise avec les matériaux les plus résistants, et son rôle dans le décor architectural est loin d’être négligeable. Quant au bois, il trouve le plus souvent sa place à l’intérieur des édifices, mais les exceptions sont nombreuses soit dans le domaine architectural (maisons à pans de bois), soit lorsque le contexte social et religieux l’exige (totem des Indiens du Canada).2. Les procédésLe modelageDe tous les moyens dont l’homme dispose pour créer une forme en trois dimensions, le plus simple est celui que lui fournit l’action directe de ses mains sur une matière naturellement plastique. C’est pourquoi la technique de base de la sculpture reste le modelage avec, comme matériau privilégié, l’argile, dont on modifie la forme par ablation de matière au bloc initial (en général monté autour d’une armature) ou par adjonction de matériau identique (boulettes ou colombins). Dans ce travail, le sculpteur s’aide habituellement de divers instruments (ébauchoirs, mirettes simples ou gradinées, spatules). Dans le cas de la cire, le modelage à main nue ne joue qu’un rôle accessoire, l’essentiel du travail étant fait à l’aide d’outils chauffés.La sculpture modelée en argile, dite terre crue, peut être, si l’on veut en assurer la conservation, soumise à une cuisson plus ou moins poussée. Dans ce cas, l’artiste doit éliminer les éléments de l’armature et, s’il s’agit d’une ronde-bosse, évider partiellement ou totalement la sculpture afin d’éviter les accidents de cuisson. Si elle a été modelée dans une terre appropriée, une sculpture peut faire l’objet de toutes les métamorphoses que permet l’art céramique et le point d’aboutissement peut être aussi bien une pâte tendre qu’un biscuit, une faïence émaillée ou un grès. Dans tous ces cas, les œuvres de grandes dimensions sont divisées en pièces avant la cuisson et remontées ensuite.Dans le cas des œuvres modelées en plâtre (ou en tissu enduit de plâtre), stuc, ciment, carton-pâte, un simple séchage suffit pour garantir la conservation de l’œuvre dans des conditions normales.Le moulageÀ la différence du modelage qui est pour le sculpteur l’acte direct et primaire par excellence, la technique du moulage n’intervient que de façon secondaire afin d’assurer la conservation, le perfectionnement ou la diffusion d’une œuvre déjà existante.Le principe de base consiste à prendre à partir de cette œuvre, appelée modèle original, un moule ou creux (négatif) et à tirer de ce moule (par coulage ou estampage) une épreuve (positif).Les moules se répartissent en deux catégories: le moule à creux perdu (composé de deux coquilles dans le cas d’une ronde-bosse) pris sur un modèle détruit lors de son extraction du moule et qui est lui-même détruit lors de l’extraction de l’épreuve, et le moule à bon creux ou à pièces , composé d’autant d’éléments que la complexité du modèle l’exige, qui permet de conserver le modèle original et pourra être réutilisé pour la confection de plusieurs épreuves.L’épreuve obtenue à partir d’un moule à creux perdu porte le nom d’épreuve originale et a un caractère unique. Les épreuves obtenues à partir d’un moule à bon creux sont dites épreuves de série (ou d’atelier ); elles se reconnaissent aux traces de coutures qui subsistent le plus souvent sur une partie de leur épiderme et qui correspondent aux divisions du moule.La matière la plus couramment utilisée pour le moulage, tant en ce qui concerne la confection du moule que le coulage de l’épreuve, est le plâtre. Mais le revêtement intérieur du moule est très fréquemment constitué de gélatine. Le stuc, le ciment et la cire peuvent être également coulés comme le plâtre. La terre et le carton-pâte doivent être au contraire placés dans le moule par estampage; ce procédé est aussi employé pour le plâtre. Une terre estampée est en général cuite et peut subir les mêmes transformations qu’une terre modelée. Traditionnellement, on introduit une distinction entre le moulage et le surmoulage: au point de vue de la méthode, l’opération du surmoulage ne diffère pas de celle qui permet d’obtenir un moule à bon creux. Mais au lieu d’être exécuté sous la direction de l’artiste à partir du modèle original, le surmoulage se fait sur une œuvre achevée (ou considérée comme telle), en quelque matière que ce soit (marbre antique, sculpture décorative, bronze, épreuve, esquisse). Cette opération a d’ailleurs un caractère frauduleux si elle a pour but de faire passer le surmoulé pour une œuvre originale ou assimilable à un original. C’est pourquoi la distinction entre moulage et surmoulage a un caractère plus juridique que technique.La technique du moulage a pu être adaptée à un certain nombre de matières nouvelles, en particulier aux résines synthétiques. Le moule employé permet une utilisation pratiquement indéfinie (d’où le nom de multiples donné aux objets d’art ainsi exécutés et dont on limite le nombre de façon artificielle, sans aucune nécessité technique). Il faut noter aussi le rôle que jouent dans ce type de sculptures les inclusions (objets hétérogènes incorporés au moment du moulage dans une matière transparente ou translucide).La taille de la pierreLa technique de la taille de la pierre s’oppose de façon très nette à celle du modelage. En effet, la taille implique un matériau dur sur lequel l’artiste n’intervient qu’à l’aide d’outils, en déployant une énergie souvent considérable et en s’aidant au besoin d’agents chimiques. De plus, alors qu’en modelant le sculpteur peut à son gré ajouter et retrancher, le fait de tailler implique exclusivement l’idée d’enlèvement de matière sans possibilité de repentirs. Aussi procède-t-on avec prudence par étapes successives: extraction du bloc, épannelage, dégrossissage, ébauche ou détermination et taille des plans principaux, taille des plans intermédiaires, rendu du modelé, finition et polissage. Les deux premières opérations ont en général lieu dans la carrière, surtout s’il s’agit d’une œuvre de grandes dimensions. La conduite des étapes varie considérablement selon que le sculpteur exécute l’œuvre en taille directe ou qu’il se borne à traduire ou à transposer dans la pierre un modèle déjà réalisé, soit à grandeur, soit à une autre échelle.Dans la taille directe, le sculpteur se sert en général, à titre de référence, d’une esquisse modelée; mais c’est à l’aide de schémas successifs, dessinés sur le bloc lui-même, qu’il mène et contrôle l’avancement de son travail. Il dispose pour la taille proprement dite d’une gamme d’outils assez variés: si le pic, la pioche et la polka sont plutôt réservés au travail élémentaire du carrier, la laie, qui permet l’égalisation des surfaces planes, et la pointe, qui sert à dégrossir par éclatement, sont des instruments plus précis mais dont l’emploi exige une grande force de percussion au maillet. Pour la suite de son travail, le sculpteur peut utiliser le trépan (avec son violon) qui permet de faire des trous en évitant les risques de la percussion dans les parties fragiles, la boucharde qui écrase les saillies indésirables, les ciseaux de divers types (ciseau pied-de-biche, ciseau plat, ciseau-rondelle), les gradines de tailles variées qui laissent une trace bien reconnaissable (stries régulières dites brettelures); l’onglette, les ripes, les râpes et parfois l’utilisation d’abrasifs permettent d’effacer les traces d’outils et d’obtenir le degré de polissage désiré.L’introduction récente dans le domaine de la sculpture de petits marteaux électriques à percussion sur lesquels on adapte les outils traditionnels a redonné une actualité nouvelle à la taille directe qui avait été pratiquement abandonnée dans l’art occidental de la fin du XVIIIe siècle au début du XXe siècle, sauf dans le cas du travail «sur le tas», c’est-à-dire lorsque le bloc épannelé était déjà mis en place dans un ensemble architectural.La technique de la taille avec mise au point implique l’existence d’un modèle à grandeur qu’il s’agit de traduire très exactement dans la pierre ou le marbre. Trois points, dits points de basement , matérialisés par des clous à tête percée, sont choisis sur le modèle (en général un au sommet et deux aux points les plus saillants de la forme à reproduire). À l’aide d’une machine munie de trois pointes qu’un jeu de tubes permet de maintenir selon un schéma triangulaire constant, on reporte ces trois points sur le bloc de pierre. Grâce à un bras articulé fixé sur la machine, on reporte ensuite dans le bloc d’autres points choisis sur le modèle, à l’aide d’une sonde dont le curseur permet de faire pénétrer une mèche-rondelle jusqu’à la profondeur voulue (en général supérieure de quelques millimètres à celle du point sur le modèle). Après avoir répété l’opération un nombre de fois assez considérable, on peut entreprendre le dégrossissage. En procédant de la même façon, mais selon un réseau de points beaucoup plus serré et sans réserver de marge de sécurité, on fait la mise aux points justes . Ce travail délicat est souvent confié à un praticien spécialisé qui, à l’aide des outils déjà décrits, dégage les plans déterminés par les trous (ou coquilles) indiquant les points justes, puis procède au travail de finition (rasement des points et polissage).Cette technique de la mise aux points apparaît au XVIIIe siècle comme l’aboutissement d’une longue suite d’expériences dont certaines remontaient peut-être à la fin du Moyen Âge (châssis, équerres, méthode de la caisse dite de Léonard de Vinci). Elle eut pour conséquence une division de plus en plus marquée entre le travail du sculpteur, auteur du modèle, et celui du praticien qui exécutait l’œuvre en pierre ou en marbre. Elle explique la production extraordinairement abondante de certains ateliers (comme ceux de Carrare à partir du premier Empire).En 1837, l’invention, par Achille Collas, du pantographe, qui permettait d’obtenir mécaniquement des agrandissements ou des réductions jusque-là exécutés à l’aide de la méthode des trois compas, contribua elle aussi à accentuer les différences entre l’artiste créateur et l’ouvrier d’art, simple exécutant.La taille du boisLes étapes successives de la taille du bois ne sont pas sensiblement différentes de celles de la taille de la pierre: épannelage, dégrossissage, ébauche et finition. Comme dans le cas de la pierre, la taille peut être directe ou se faire après mise aux points. Mais le sculpteur sur bois est soumis à certaines servitudes propres au matériau qu’il travaille: nécessité de respecter le sens du fil du bois et d’éliminer de la pièce choisie aussi bien l’aubier, trop fragile, que le cœur qui éclate en vieillissant, pour ne conserver que le duramen; aussi la majeure partie des bois anciens sont-ils constitués de planches assez minces, s’il s’agit de reliefs, ou de blocs soigneusement évidés, s’il s’agit de rondes-bosses. En revanche, le bois rend beaucoup plus aisés les ajouts de matière qui ne sont jamais que des pis-aller dans le cas de la pierre: soit par collage, soit par chevillage, soit par assemblage de divers types (rainure et languette, tenon et mortaise, queue-d’aronde, onglet), il est en effet possible de réunir plusieurs pièces de bois pour l’exécution d’une même sculpture.Les outils du sculpteur sur bois sont légèrement différents de ceux du praticien de la pierre: herminette, asse et doloires ne diffèrent que par la dimension de certains outils de carrier. Plus spécifiques sont les gouges et les vilebrequins, les fermoirs et les rabots. Pour la finition, on retrouve les burins, les rifloirs et les râpes.Le travail de l’ivoire diffère peu de celui du bois, si ce n’est qu’il exige des outils plus délicats. Le sculpteur doit, là aussi, tenir compte du sens des fibres (toujours légèrement incurvées), mais il peut procéder à des assemblages. Cependant les statuettes d’ivoire ne sont pas évidées. Grâce à des assemblages particulièrement savants et soignés, certaines sculptures en ivoire sont de grandes dimensions (statues de l’Antiquité connues par les textes; bustes de grandeur naturelle exécutés au XIXe siècle).Le travail des métauxLe métal qui se prête le mieux à l’expression plastique est incontestablement le bronze. Aussi l’art de la fonte est-il à juste titre considéré comme l’une des techniques majeures de la sculpture. Aussi apte que le plâtre à conserver jusque dans ses moindres nuances la forme modelée par le sculpteur, pratiquement inaltérable, susceptible de recevoir par le jeu de la ciselure et la subtilité des patines une beauté supplémentaire, le bronze a exercé une séduction à laquelle, de la protohistoire à nos jours, bien peu d’artistes ont résisté.Mais, à côté de tous ces avantages, le bronze possède deux inconvénients majeurs: il est coûteux et pesant. Aussi le problème qui a dominé toutes les expériences relatives à l’art de la fonte a-t-il été de faire des fontes aussi minces que possible afin de diminuer et le prix et le poids des pièces fondues. Les fontes en métal plein, dont on connaît quelques exemples de grandes dimensions à l’époque sumérienne, ne se pratiquent plus ensuite que pour les objets de petites dimensions.De même que le moulage, la fonte nécessite l’existence d’un modèle: modèle original exécuté à cette fin, ou œuvre achevée considérée comme modèle dans le cas du surmoulage. L’opération de la fonte proprement dite se fait selon deux méthodes différentes, à cire perdue ou au sable ; ce dernier procédé, connu peut-être dès l’Antiquité, a été remis en honneur au XIXe siècle, d’abord pour des fontes usuelles, puis pour des fontes artistiques. Les diverses variantes de la fonte à cire perdue (cf. art du BRONZE) et de la fonte au sable reposent sur un même principe: entre les parois internes d’un moule qui reproduisent la forme extérieure de l’œuvre reproduite et un noyau disposé au centre, on ménage un vide qui sera rempli par le métal en fusion. Les difficultés sont multipliées si l’artiste veut procéder, pour une pièce de grandes dimensions, à une fonte d’un seul jet. Mais si la pièce a été divisée, il fait ensuite effectuer un montage par soudure. L’opération de la fonte terminée, une sculpture en bronze subit encore un certain nombre de transformations. En dehors de la reparure (ou ébarbure) indispensable au sortir du moule et qui laisse la pièce «brute de fonte», la ciselure plus ou moins poussée modifie l’aspect du bronze, soit qu’elle contribue à augmenter encore la finesse de certains détails, soit qu’elle ait pour but de remédier aux accidents et irrégularités de la fonte. La patine enfin joue un rôle capital qui sera examiné un peu plus loin.L’importance et la complexité de la fonte du bronze fait parfois oublier que la sculpture a recours à beaucoup d’autres techniques métallurgiques. Les unes sont empruntées à la ferronnerie (pièces forgées, martelées, soudées), d’autres à l’orfèvrerie (repoussé, estampage): ainsi l’or, l’argent, le zinc, le fer ont-ils été utilisés par les sculpteurs. Plusieurs techniques peuvent être associées dans le traitement d’un même métal. Il existe aussi des métaux dont la technique de fonte est en général plus simple que celle du bronze: ainsi, il est possible de travailler comme le bronze le plomb qui fond à 327 0C, ou l’étain (point de fusion 231 0C), mais on peut aussi les couler dans des moules de fer ou même de pierre (figures de fontaines des XVIIe et XVIIIe siècles); ces derniers, dans des cas exceptionnels, ont été obtenus par taille directe, sans modèle (enseignes de pèlerinages, épis de faîtage). Le fer, lui aussi, peut être fondu; mais la fonte de fer ne fut guère employée en sculpture qu’à partir de la seconde moitié du XIXe siècle (grandes figures décoratives exécutées pour les expositions universelles qui ont eu lieu à Paris en 1889 et 1900).En fait, en dehors de la fonte, seules deux techniques de travail du métal ont eu une grande influence dans l’évolution de la sculpture. La première, très ancienne, est celle qui consiste à recouvrir, par martelage et estampage, de lames de métal (précieux ou imitant un métal précieux) un figure de bois (Vierge d’or de la cathédrale d’Essen); des pièces en repoussé (sainte Foy de Conques) ou fondues (saint Baudime de Saint-Nectaire) sont parfois associées à ce travail de placage. La seconde est au contraire une technique très prisée des sculpteurs du XXe siècle: elle consiste à assembler par soudure au chalumeau des éléments métalliques soit forgés ou découpés par l’artiste lui-même, soit «de rencontre» (objets fabriqués intacts ou mutilés, déchets industriels métalliques).Les techniques annexesL’œuvre sculptée, une fois modelée, moulée, taillée ou fondue et, s’il y a lieu, convenablement polie ou réparée, peut apparaître comme une œuvre achevée. S’il en est bien souvent ainsi aux yeux des modernes, il n’en fut que rarement de même dans le passé. Dans une dernière étape, l’artiste lui-même, ou un autre artiste, s’efforçait de modifier totalement ou partiellement l’apparence du matériau dans lequel la sculpture avait été exécutée. Cette modification pouvait avoir un but illusionniste (donner à l’œuvre non seulement les dimensions et la forme, mais jusqu’à l’apparence sensible de l’objet qu’elle reproduit) ou esthétique (dissimuler un matériau jugé déplaisant ou trop pauvre, ou au contraire mettre en valeur par des ornements la beauté propre du matériau). L’évolution du goût a aussi joué son rôle: certaines époques ont recherché les effets de polychromie, d’autres les ont abhorrés. L’association de plusieurs marbres de couleur, fréquente dans l’art baroque, disparaît avec le néo-classicisme, puis revit avec le second Empire et les esthètes de la fin du siècle.L’adjonction d’un revêtement coloré a longtemps été de règle dans les sculptures de bois, de terre cuite ou de pierre. Pour les bois, la technique de la polychromie «au naturel» suit, en général avec un peu de retard, celle utilisée pour les panneaux peints: aux couleurs à la détrempe (simple ou avec liant) posées sur une toile fine enduite de plâtre ou de stuc (bois italiens, français et rhénans des XIVe et XVe siècles) succèdent à la fin du XVe siècle les pigments à base d’huile sur un simple apprêt (retables de la fin du Moyen Âge). Les perfectionnements des media permettent des effets d’une étonnante vérité, surtout si d’autres artifices (yeux de verre, cheveux et parfois vêtements réels, larmes en acier poli) y sont associés (statues de dévotion espagnoles à partir du XVIe siècle). L’exécution de cette polychromie pouvait avoir une importance extrême au XIVe siècle en France, l’«estoffiage» d’une statue était payé aussi cher que le travail de la sculpture proprement dite. Pour la pierre, on peut procéder de la même façon ou poser les enduits directement.Dans d’autres cas, le but cherché est plutôt de faire passer un matériau pour un autre: bois peints en blanc et terres cuites émaillées de blanc (pour pouvoir rivaliser avec le marbre), poirier noirci (pour imiter l’ébène), plâtre bronzé ou «mis en couleur de terre cuite» (dans la masse ou par enduit ajouté), bois et métaux dorés et argentés (à la feuille ou au trempé pour le bois; à la feuille, au mercure ou par la méthode électrochimique pour les métaux). La pose d’enduits peints joue aussi un rôle essentiel dans la métamorphose d’un objet usuel en ready-made .Sur certaines matières, ces interventions n’ont pour but que de mettre en valeur leur beauté naturelle. Ainsi le marbre est-il parfois rehaussé d’une polychromie très légère ou plus souvent de dorure (Vénus rattachant sa sandale provenant de Pompéi; Vierges à l’Enfant françaises du XIVe siècle; La Poésie légère de James Pradier, Nîmes). Mais c’est surtout pour le bronze que la mise en valeur des possibilités propres au matériau a le plus d’importance. En effet, l’oxydation inévitable de la couche superficielle du métal entraîne des modifications de la couleur variables selon la composition de l’alliage et le milieu naturel où l’objet se trouve placé. Cette patine naturelle peut être activée (en particulier à l’aide de solutions acides). On recouvre aussi le bronze d’enduits colorés, théoriquement stables, qui empêchent la formation de la patine naturelle. Appartiennent à la catégorie des patines naturelles «activées» la patine verte (patine médaille) et la patine «florentine» (brun rouge); sont au contraire artificielles les patines noires (solution d’huile et de noir de fumée, laque noire), rouge (sanguine ou laque rouge) ou «pompéienne» (très épaisse et imitant les cendres volcaniques incrustées). La patine de certains petits bronzes n’est pas dépourvue d’une qualité tactile perceptible à celui qui les prend en main.Évolution actuelle des techniquesLes techniques énumérées ci-dessus sont des techniques anciennes, employées depuis longtemps et avec une faveur variable par les sculpteurs. L’apparition de matériaux nouveaux, très sensible dans le domaine de la sculpture dès le début du XIXe siècle, n’a pas entraîné de révolution dans le domaine des méthodes: en effet, la plupart de ces matériaux artificiels (ivoirine, simili bois...) ou synthétiques se prêtent aisément au moulage. Quelques-uns même se taillent (résines synthétiques).On constate par contre une nette mutation dans le domaine de l’outillage qui emprunte de plus en plus ses sources d’énergie et même ses instruments à la technologie industrielle. En s’emparant du matériau, le sculpteur s’approprie aussi l’outil et, pour sculpter en taille directe le mur ou le bloc de ciment, utilise tout naturellement le marteau pneumatique. Face au sculpteur du XIXe siècle qui souvent limitait sa technique au modelage de l’argile et faisait appel à un spécialiste pour le moulage et à un praticien pour le marbre, le sculpteur moderne apparaît extrêmement polyvalent: les œuvres exposées chaque année dans les diverses manifestations internationales nous montrent plus de sculpteurs menuisiers, charpentiers, forgerons ou électriciens (dans le cas de l’art cinétique) que de marbriers traditionnels. La contrepartie de cette polyvalence proche parfois du bricolage est la disparition d’une certaine perfection technique: les sculpteurs ou praticiens capables de mettre aux points puis de tailler un marbre de grande dimension sont aujourd’hui de plus en plus rares en France.Deux innovations techniques, de portée limitée mais intéressantes, dues toutes les deux à César, sont cependant à retenir: les compressions qui en tant que réduction de volume sans élimination de matière peuvent être considérées comme un type de sculpture totalement original, et les pâtes de verre coulées où les formes sont créées à partir d’une matière liquide en fusion, mais sans intervention d’un moule. Il est significatif que les unes et les autres ne puissent être réalisées que dans le cadre d’une infrastructure industrielle très évoluées. Il en est d’ailleurs de même des sculptures cinétiques ou lumineuses dès qu’elles atteignent un certain degré de complexité.3. Les étapes de la créationL’une des difficultés majeures dès que l’on aborde l’étude d’une sculpture est toujours de la situer dans le lent processus d’élaboration qui permet au sculpteur de parvenir à l’œuvre achevée. La notion d’œuvre originale est en sculpture particulièrement fuyante. Entre l’œuvre entièrement autographe et la simple reproduction commerciale, il existe tout un éventail de possibilités qui n’ont pas d’équivalent rigoureux dans le domaine de la peinture.Dans la sculpture traditionnelle occidentale telle qu’elle se développe du XVe siècle à la fin du XIXe siècle, l’œuvre progresse selon un schéma trinitaire: esquisse de petites dimensions, modèle à grandeur, exécution, de préférence en marbre. Cet itinéraire, où seule compte la dernière étape, souffre presque toujours d’une altération capitale: la deuxième étape est dédoublée lorsque le modèle en terre, trop délicat à entretenir, est moulé à creux perdu et que le plâtre original se substitue à lui comme témoignage direct de la forme voulue par l’artiste. Et le fait de rendre durable le modèle, éphémère à l’origine, est significatif de l’attitude des sculpteurs qui ont essayé de conserver intacts les témoins de chaque étape de leurs créations.L’esquisse en terre crue a souvent été soumise à la cuisson. Si le modèle à grandeur n’est le plus souvent conservé qu’à l’état de plâtre original, la maquette, c’est-à-dire le modèle en réduction des sculptures de grandes dimensions, est, elle aussi, parfois conservée sous forme de terre cuite ou de cire. Si, de son plâtre original, l’artiste a tiré un moule à bon creux, une série d’épreuves d’atelier ont pu être mises en circulation. C’est le plus souvent sur l’une de ces épreuves d’atelier que s’est faite la mise aux points qui a permis l’exécution d’un ou de plusieurs marbres. Sur le plâtre original, et sans entraîner nécessairement sa destruction, on a pu aussi prendre le moule nécessaire à la fonte d’un bronze à cire perdue. Pour éviter d’abîmer le modèle, cette première épreuve en bronze a pu être utilisée comme modèle pour des fontes ultérieures. Et les œuvres qui résultent de ces diverses opérations peuvent toutes être qualifiées d’authentiques. Mais, en combinant diverses techniques, le sculpteur peut encore altérer le schéma élémentaire de la création plastique. C’est ainsi qu’un plâtre original, produit type de la technique du moulage, modifié par suppression de certains éléments ou au contraire par ajouts de cire modelée, devient un modèle distinct du modèle primitif (plâtres retouchés à la cire servant de modèles aux fontes de Barye). La même association moulage-modelage se retrouve dans le cas des bustes où le sculpteur intègre un estampage tiré d’un masque mortuaire ou bien dans les compositions où l’artiste incorpore dans un ensemble modelé des éléments moulés provenant soit d’études préalables pour l’œuvre elle-même, soit d’autres œuvres exécutées par lui; c’est cette dernière pratique que l’on désigne communément sous le nom de marcottage.On comprend qu’avec un tel éventail de possibilités certains ateliers, habilement gérés par un sculpteur en renom, aient eu une production considérable. Houdon, Canova, Carpeaux fournirent ainsi à leur clientèle un choix considérable de possibilités; la même œuvre était proposée en matériaux et en formats divers et avec des variantes propres à satisfaire les goûts les plus opposés (versions à la française et à l’antique des bustes de certaines figures en pied de Carpeaux).Il convient de faire une place à part à ce que l’on appelle la sculpture d’édition. Elle est avec la sculpture proprement dite dans un rapport assez comparable à celui qui existe entre la gravure et la peinture: technique de reproduction (voir en particulier les innombrables réductions de chefs-d’œuvre antiques éditées au XIXe siècle par les fondeurs italiens et français), elle peut être aussi œuvre originale. L’apogée de la petite sculpture d’édition originale se situe entre 1820 et 1870, avec des artistes tels que Barre, Cumberworth, Pradier ou Barye qui créèrent des œuvres faites pour la large diffusion et où la notion d’«exemplaire original» n’avait pas cours. L’édition à tirage limité, si elle se justifie parfois dans le cas d’un modèle en plâtre altéré au-delà de quelques dizaines d’utilisations, n’a qu’un but mercantile lorsque le modèle est en métal (chef-modèle).
Encyclopédie Universelle. 2012.